Les interconnexions électriques et la transition écologique
Dans un contexte où la transition énergétique entraîne une hausse de la consommation électrique et où les événements internationaux (guerre en Ukraine, crise sanitaire du COVID-19) imposent à l’Union européenne de limiter sa dépendance aux énergies carbonées, les interconnexions électriques apparaissent comme une solution durable, innovante et adaptée aux besoins de la France et de ses partenaires. Par leur puissance et leur caractère transfrontalier, ces nouvelles structures, terrestres et maritimes, sont au cœur des enjeux financiers, politiques, technologiques et, plus globalement, de la modernisation des réseaux. En optimisant l’usage des énergies renouvelables, elles incitent les entreprises du secteur électrique à relever de nouveaux défis passionnants, en s’appuyant sur l’intégration des énergies renouvelables. Le groupe Prysmian est pleinement engagé dans cette démarche aux côtés de ses principaux clients.
D’après la Commission de régulation de l’énergie (CRE), une interconnexion électrique est « une ligne de transport qui traverse ou enjambe une frontière entre des États membres et qui relie les réseaux de transport nationaux des États membres de l’Union européenne. ». Cette définition, stricte et explicite, peut, selon l’usage, être élargie, d’une part, aux liaisons reliant les pays de l’Union européenne à la Grande-Bretagne, et d’autre part, aux parcs éoliens maritimes qui se multiplient depuis quelques années.
Sécuriser et réguler la production des interconnexions
« Les interconnexions sont conçues pour donner aux États les moyens de sécuriser et de réguler leur production électrique », résume Jawdat Mansour, Directeur de l’activité Haute Tension pour l’Europe du Sud chez Prysmian. « Outil de modernisation, d’optimisation et de renforcement des réseaux, elles offrent aux opérateurs une plus grande flexibilité dans la gestion des flux afin de garantir, à tout instant, l’équilibre entre la demande et l’offre électrique », ajoute Jules Nyssen, Président du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER).
En ce sens, les interconnexions permettent d’adapter la production à la demande en s’appuyant sur la solidarité entre États alliés, comme nous avons pu le constater lorsque, en raison de la maintenance prolongée de la majorité du parc nucléaire français, notre pays est devenu, exceptionnellement, importateur d’électricité. « À terme, grâce aux interconnexions, la France a la garantie d’être un exportateur net d’électricité », précise Jules Nyssen.
Ces échanges transfrontaliers peuvent, en particulier, être activés quotidiennement pour répondre au pic journalier de consommation d’un pays, lorsque celui-ci est en décalage horaire avec son voisin. Ce mécanisme de régulation et de sécurisation est également sollicité lors d’événements plus exceptionnels, comme l’arrêt soudain ou programmé d’une centrale, ou encore lorsqu’un épisode climatique extrême génère une demande accrue. Les parcs éoliens off-shore participent de cette même démarche d’investir puissamment dans de nouvelles solutions, afin d’anticiper et d’accompagner l’électrification des usages, ce qui permettra aux États européens de réussir leur décarbonation et de répondre au défi de la transition énergétique. La capacité de production énergétique de ces infrastructures maritimes, toujours plus importante, s’impose comme l’une des solutions les mieux adaptées à l’augmentation inévitable, voire nécessaire, de notre consommation électrique.
Dans cette logique, les interconnexions, terrestres et off-shore, contribuent à valoriser le recours à l’électricité verte produite à partir du soleil ou du vent. « Par nature, l’électricité ne peut être stockée et est perdue si elle n’est pas immédiatement utilisée. Les liaisons transfrontalières nous offrent l’opportunité d’utiliser pleinement l’énergie solaire ou éolienne, quelle que soit la demande de consommation, car elles nous donnent la possibilité d’élargir, presque sans limite, le périmètre de distribution », poursuit Jawdat Mansour. En ce sens, les interconnexions sont un moyen d’atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050.
Interconnexions terrestres et off-shore : un développement exponentiel !
À ce jour, plus de 400 interconnexions sont opérationnelles à l’échelle européenne, dont près d’une quarantaine sur le territoire français. Ces infrastructures représentent plus de 300 000 km de lignes et fournissent de l’électricité à environ 600 millions d’habitants.
En France, la première interconnexion électrique d’envergure a été mise en service en 2015 entre la France et l’Espagne, sur une longueur de 75 km. Depuis, les projets, de plus en plus ambitieux et imposants, se sont multipliés, notamment entre la Savoie et le Piémont, entre les côtes normandes et celles du Royaume-Uni, ainsi qu’en direction de la Belgique et de l’Allemagne.
En parallèle, depuis le début de la décennie, les États et les opérateurs implantent d’impressionnants parcs éoliens maritimes qui développent actuellement des puissances de production approchant les 500 MW et plus d’un GW dans le futur. L’un des premiers a été mis en service le 1er janvier 2023 au large de Saint-Nazaire. Il produit l’équivalent de 20% de la consommation électrique du département de la Loire-Atlantique. Deux autres, situés au large de Fécamp et de Saint-Brieuc, sont opérationnels depuis ce mois de septembre. À ce jour, RTE a relié quatre parcs, et plus de dix autres devraient voir le jour dans les prochaines années, dont le projet Celtic Interconnector (700 MW), qui reliera la France à l’Irlande d’ici 2027. « Notre volonté est de produire 30% de notre électricité grâce à des éoliennes en mer d’ici 2050 », affirme RTE. « Les parcs éoliens off-shore, par la puissance énergétique qu’ils sont capables de générer, joueront un rôle essentiel dans le déploiement des interconnexions. D’ici 2036, ceux-ci deviendront, en effet, la deuxième source de production électrique après le nucléaire », souligne Jules Nyssen, Président du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER).
Indépendance énergétique et neutralité carbone
On l’aura compris, les interconnexions électriques présentent de multiples intérêts technologiques, environnementaux et économiques. Elles révèlent également des enjeux géopolitiques et industriels de premier plan. Les lignes transfrontalières européennes sont un moyen de renforcer l’indépendance énergétique de l’Union européenne, pour ne plus dépendre des États fournisseurs d’énergies carbonées, comme la Russie et d’autres régimes potentiellement ennemis.
À ce titre, il est intéressant de constater que le projet d’interconnexion sous-marine entre la France et la Grande-Bretagne, appelé FAB, initié en 2013 et mis en sommeil à la suite du Brexit, est en train de « refaire surface », démontrant la volonté des Britanniques de renouer des liens économiques et politiques avec l’UE.
Enjeu économique majeur des interconnexions
Compte tenu de l’ampleur de ces infrastructures et des investissements nécessaires à leur mise en service, l’enjeu est aussi économique. Pour preuve : RTE prévoit d’investir 100 milliards d’euros dans le déploiement et la modernisation de son réseau durant les 10 prochaines années*, dont une bonne partie sera consacrée aux interconnexions. Plus de 2 milliards d’euros seront déjà dépensés pour la seule année 2024. « Pour chaque chantier d’interconnexion sur lequel nous intervenons, nous recrutons entre 80 et 100 personnes », ajoute Jawdat Mansour.
Maîtriser les coûts
De même, les interconnexions freinent la hausse des prix à la consommation. En effet, à l’heure de la libéralisation des prix, les États ont intérêt à aligner leurs tarifs de part et d’autre de la frontière pour conserver leurs parts de marché. De plus, grâce à ces lignes transfrontalières, les pouvoirs publics et les opérateurs peuvent s’appuyer sur un plus grand nombre de centrales performantes et ainsi renoncer à de nouvelles constructions plus coûteuses. En ce sens, les interconnexions participent à la maîtrise des dépenses publiques.
Le Syndicat des Énergies Renouvelables
Le Syndicat des énergies renouvelables est la seule structure française qui réunit l’ensemble des filières professionnelles (bois, solaire, éolien, hydraulique…) du secteur des Énergies Renouvelables. Il compte 560 adhérents, dont deux tiers de PME, ainsi que de nombreuses collectivités locales et les principaux donneurs d’ordres du marché.
« Ce mode d’organisation nous assure une vision globale des perspectives de développement du secteur et nous impose comme un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics », affirme Jules Nyssen. « Notre mission est d’accompagner le déploiement des énergies renouvelables dans l’intérêt de nos adhérents et dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en France d’ici 2050. Nous travaillons à partager les bonnes pratiques et à mettre en place les moyens d’encourager les consommateurs à délaisser les énergies carbonées pour se tourner vers les énergies renouvelables. »
Les interconnexions : défi technologique d’envergure
Mais pour l’ensemble des acteurs de ce marché de l’interconnexion, le défi le plus exaltant à relever est technologique. Chaque nouvelle interconnexion semble repousser les limites en termes de puissance énergétique produite, de longueur de lignes déployées, et d’harmonisation des techniques et des produits d’un pays à l’autre. « Chaque projet contribue à faire évoluer les expertises, et le groupe Prysmian a naturellement fait le choix d’accompagner ses clients et partenaires », souligne Patrick Sanchez, Directeur commercial chez Prysmian. « Avec eux, nous innovons et élargissons nos horizons avec pour objectif de monter en puissance. »
« Nous nous sommes investis dans le déploiement de la technologie du courant continu haute tension (HVDC – High Voltage Direct Current), qui permet d’exploiter pleinement ces lignes. Ces chantiers nous ont conduits à progresser et à innover pour apporter des solutions nouvelles, notamment pour l’alimentation des parcs éoliens qui développent des puissances exceptionnelles », complète Jawdat Mansour. « Ces interconnexions nous imposent, en particulier, d’harmoniser les outils et les systèmes de distribution. C’est pourquoi, la généralisation du passage en courant continu et la standardisation des câbles, voulue par RTE, sont des challenges que nous nous sommes attelés à relever. »
À l’évidence, les interconnexions ne cesseront de se multiplier dans les décennies à venir, tant à l’échelle européenne que mondiale, car elles s’imposent comme l’une des solutions répondant aux défis de la transition énergétique. Elles sont, en effet, l’un des piliers du déploiement des énergies renouvelables (éolien, solaire, hydrogène, etc.).
Pour la France, dont la production électrique reste excédentaire la majeure partie de l’année, elles représentent un moyen de consolider un peu plus sa place sur le marché de l’électricité, de répondre aux attentes des citoyens et de favoriser la croissance d’une économie et d’une industrie décarbonées.